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Home / Première Page / Cérémonie de Commémoration du 75e anniversaire de la Nuit de Cristal dans la Grande Synagogue de l’Europe le 7 novembre 2013 - Témoignage de Monsieur Fredy Goldberg

Monsieur le Président du Conseil Européen,

Monsieur le Président de la Chambre,

Madame la Vice-Première Ministre,

Monsieur le Ministre d’Etat,

Monsieur le Grand Rabbin,

Messieurs les Présidents,

Chers Amis,

Je suis né à Berlin et à la « Kristallnacht », j’avais 8 ans.

S’il y avait encore un gramme d’espoir pour nous pour vivre dans l’Allemagne nazie, la nuit du 9 novembre 1938 l’a balayé.

Par hasard, je passais la nuit chez ma tante. Elle habitait dans une grande villa donnant sur la rue. Vers huit heures du soir, nous étions à table, ma tante, son mari, son beau-père, son beau-frère et moi. Et tombent les premières pierres dans la salle à manger, brisant les vitres de toute la maison. Elles étaient emballées dans du papier sur lequel était écrit : « Sales Juifs, on va vous tuer ». Le trottoir était noir de monde, nous reconnaissions des voisins, des gens qui s’étaient dit des amis. La police regardait et s’amusait. La foule enflait en riant, en s’amusant. Nous pensions que c’était la fin pour nous. Nous nous sommes réfugiés dans une chambre au premier étage. Le téléphone était inaccessible et moi j’imaginais mes parents morts d’angoisse et d’inquiétude en pensant à moi.

La peur me paralysait de même en pensant à eux. Toute la nuit, nous sommes restés cloîtrés dans cette chambre. Une nuit de terreur car nous étions certains de ne pas survivre.

Puis, vers six heures du matin, on sonne. C’était la police qui hurle : « à cause de vous, sales Juifs, le trottoir est rempli de verre. Vous devez le nettoyer. Ramassez-le tout de suite ». Quelques personnes de la famille sont sorties et ont balayé le trottoir. Puis d’autres policiers sont arrivés, pour nous expliquer qu’ils avaient l’ordre de mettre les hommes en sécurité, en « Schutzhaft ». Les hommes se sont habillés et un policier me dit : « Toi, tu t’habilles aussi ! ». Ma tante est intervenue et s’est écriée : « Mais c’est un enfant, laissez-le ». Et le policier s’est laissé circonvenir…Je suis resté avec ma tante. Nous sommes allés retrouver mes parents. Cris, pleurs, angoisse, mais nous étions tous les trois, mon papa n’avait pas été emmené par la police.

Nous ne savions pas où étaient les hommes de notre famille. Pendant une semaine, nous sommes allés tous les jours à la police pour tenter de les voir, de savoir quelque chose. On nous répondait systématiquement : « Ils vont très bien, mais vous ne pouvez pas les rencontrer pour l’instant ». Nous avons finalement appris qu’ils avaient été conduits directement dans un camp de concentration.

Les nazis ont appelé avec cynisme « Nuit de Cristal » à cause du verre pulvérisé des biens juifs.

Pendant cette nuit, 30000 hommes ont été arrêtés, dont 11000 déportés à Dachau et 10000 à Buchenwald.

Les nazis attribuèrent aux Juifs la responsabilité de la « Nuit de Cristal » en leur infligeant une amende d’un milliard de marks pour tous les établissements détruits. Cette nuit, 7500 entreprises juives, 250 synagogues, les centres communautaires, les écoles juives, dont la mienne, ont été détruits.

Les pompiers avaient reçu pour instruction de ne pas éteindre les bâtiments en flamme, sauf les incendies qui menaçaient les voisins « aryens ».

La « Nuit de Cristal » fut annonciatrice d’une nouvelle vague de lois antisémites : interdiction de posséder des biens, exclusion de la vie sociale, transfert des biens juifs à des « aryens », écoles juives fermées, juifs exclus des écoles allemandes, interdiction d ’exercer une profession libérale, de se rendre au théâtre ou au cinéma, de conduire, de prendre le bus, d’habiter dans les mêmes immeubles que des « aryens ».

Pour ceux qui avaient encore un doute, il était clair qu’il fallait fuir, mais pour aller où ?

Mais ceci est un autre problème.

Nous avons fui en Belgique et je serai éternellement reconnaissant à ce pays de nous avoir accueillis, de nous avoir permis d’y vivre et d’en devenir des citoyens.

C’est un pays formidable et je suis fier d’en faire partie.

Pour terminer, je ne suis jamais retourné à Berlin et je n’y retournerai jamais.