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Sur le plan collectif, ils vont veiller à ce que leur communauté dorigine, la communauté juive, trouve sa place au sein de cette société nouvelle et de cette culture politique et religieuse nouvelle, et bénéficie des avantages accordés aux autres cultes reconnus. Cest ainsi quil faut comprendre la création du Consistoire Central Israélite de Belgique. Au dehors, il est le représentant du judaïsme belge, linterlocuteur des autorités en matière de gestion du culte israélite et la garantie de faire adhérer les masses juives au contrat libéral de la société moderne. A lintérieur de la communauté, le Consistoire est certes lorgane « chef de culte » et lautorité spirituelle des communautés religieuses. Mais il sera aussi et surtout le bras armé de ce que lon appelait encore à lépoque dans le droit fil de la philosophie des Lumières la « régénération » des Juifs, soit le garant de leur émancipation et le vecteur de leur modernisation, religieuse et sociale. Bien sûr, le Consistoire nest pas monolithique. Bien sûr, tradition et modernité saffrontent parfois en son sein. Bien sûr, les communautés religieuses du pays vont sancrer dans la tradition dune jalouse autonomie et bénéficier souvent dune grande indépendance spirituelle comme à Anvers. Néanmoins, le Consistoire deviendra et restera lorgane central du judaïsme belge, sa vitrine et son porte-voix à la fois. Même si à la tête du Consistoire se succéderont le plus souvent des membres de la haute bourgeoisie juive, pleinement insérés dans le tissu social, économique et quelquefois politique de la Belgique, et si leur intelligence du judaïsme sera quelquefois éloignée de la conception dune partie des masses juives, ils nen seront pas moins dardents défenseurs des intérêts religieux fondamentaux du judaïsme. Pour preuve, la manière dont ils défendirent la perpétuation des cimetières juifs au XIXe siècle, ou labattage rituel au XXe. Quelquefois tiraillé entre tradition et modernité, particulièrement avec larrivée en son sein de représentants de communautés orthodoxes formées de Juifs dEurope centrale et orientale, à partir de 1910, le Consistoire fut surtout le théâtre de la rencontre entre des conceptions fondamentalement différentes du judaïsme. Ce fut un cadre déchange plutôt que daffrontement, un lieu de recherche du compromis, autour duquel sélabora progressivement lidée dun judaïsme à la fois pleinement intégré dans la modernité, dévoué au régime constitutionnel belge et à lécoute du progrès social, scientifique et culturel de la société, mais aussi profondément immergé dans la tradition juive et fidèle à la loi juive. Des hommes à la personnalité marquante ont été les acteurs de cette rencontre quils fussent laïcs ou religieux. Parmi ces derniers, on en retiendra quatre, représentatifs tant de cette recherche constante du compromis que des sensibilités diverses qui se sont manifestées au sein du judaïsme belge : les grands-rabbins Elie-Aristide Astruc et Armand Bloch avant la première guerre mondiale ; le grand-rabbin Ernest Ginsburger dans lentre-deux-guerres ; enfin, le grand-rabbin Robert Dreyfus, dernier chef spirituel des communautés juives de Belgique, après la seconde guerre mondiale. Parmi les présidents du Consistoire, plusieurs ont été des figures emblématiques du judaïsme belge, que ce soit au XIXe siècle Louis Lassen, Joseph Oppenheim, Jacques Wiener ou au XXe Franz et Paul Philippson, Ernest Wiener, Jean Bloch ou Georges Schnek, par exemple. Cest sous limpulsion de ce dernier que le Consistoire a pris nombre dinitiatives dans le domaine de léducation juive en soutenant le développement de lInstitut dEtudes du Judaïsme -, de la préservation du patrimoine juif cest la création du Musée Juif de Belgique et de lInstitut de la Mémoire Audiovisuelle juive -, de lhistoire du judaïsme belge la Fondation de la Mémoire contemporaine/Fondation Jean Bloch et de la mémoire de la Shoah le Musée juif de la Déportation et de la Résistance à Malines. Un Consistoire qui promeut enfin la connaissance du judaïsme à travers nombre dinterventions, comme la diffusion démissions radio-télévisées, les cours denseignement religieux ou encore la publication des « Nouvelles Consistoriales ». La continuité affichée par le Consistoire dans la recherche de léquilibre entre des tendances et des mentalités divergentes nexclut toutefois pas les paradoxes. On peut ainsi constater que le Consistoire fut extrêmement libéral en religion entre sa création et 1880, voire quelquefois après, et quaujourdhui il a pris ses distances avec le courant libéral il na ainsi pas admis la communauté israélite libérale en son sein. Pour le reste, il paraît pleinement fidèle à lesprit dans lequel il a été créé et animé au siècle dernier. Le Consistoire, présidé actuellement par le professeur Julien Klener, demeure sans aucun doute lautorité morale incontestée du judaïsme belge, une autorité qui ne lui est pas seulement conférée par son âge respectable et son statut de doyen des institutions juives de Belgique. Le Consistoire perpétue lidée dune fédération des communautés religieuses de lensemble du pays et, partant, de toute la population juive de Belgique. Il entretient et garantit la synthèse des courants contraires qui se manifestent en son sein. Enfin, il personnifie le modèle dintégration des Juifs aux sociétés modernes, au point dinspirer des projets en la matière pour des minorités religieuses plus récemment installées dans nos régions. Ce dernier élément permet de mieux comprendre la véritable dimension politique du Consistoire, prégnante au XIXe siècle, moins présente durant les cinquante années suivantes, et évidente depuis 1967. Il nest pas que dans le dialogue inter religieux que le Consistoire a manifesté ces dernières décennies particulièrement depuis les changements opérés au sein de lEglise catholique à partir du Concile Vatican II son rôle de représentation du judaïsme belge. Cest dans bien dautres dossiers quil est souvent apparu aux yeux de ses interlocuteurs comme la seule institution à même dincarner la communauté juive de Belgique dans son ensemble. En cela aussi, il est très certainement fidèle à son histoire. |