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Home / Nouvelles / Interview, par Michel Laub, de Maître Nathan Weinstock à propos de son récent ouvrage « Terre promise, trop promise – Genèse du conflit israélo-palestinien (1882 – 1948) » paru en septembre 2011 aux Editions Odile Jacob

- M.L. : Nathan Weinstock, dans la préface de votre livre, vous écrivez :

C’est ainsi que j’ai été amené à publier en 1969 « Le Sionisme contre Israël », suivi en 1970 du « Mouvement révolutionnaire arabe », un gros pavé bourré de conclusions simplistes et abusives, qui a longtemps servi de réserve de munitions à la gauche antisioniste, au point de devenir une véritable bible de la propagande anti-israélienne. C’était au lendemain de Mai 68. J’étais subjugué à l’époque par le trotskisme et je m’appliquais en conséquence, en parfait doctrinaire, non pas à analyser les faits mais à les canaliser mentalement en fonction de mes schémas prémâchés et réducteurs.

Pouvez-vous éclairer nos lecteurs en donnant les éléments principaux qui vous ont amené à revoir vos convictions d’antan et à exposer aujourd’hui, dans ce nouveau livre, une analyse qui nous semble infiniment plus poussée de l’historique de ce douloureux conflit du Moyen-Orient ?

-       N.W. :  Je crois que je puis affirmer que j’ai été pratiquement le premier, dans le monde francophone, à prendre des positions pro-palestiniennes. J’ai écrit des articles dans la revue de François Maspero en 1964 ; à l’époque où personne, sauf erreur de ma part, ne se préoccupait des Palestiniens. Et je l’ai fait, parce que j’avais le sentiment qu’ils étaient victimes d’une injustice et je le crois encore toujours.

La question est de savoir quelles sont les causes profondes de cette  injustice, c’est évidemment là que j’ai fort évolué sur l’appréciation et que je suis devenu beaucoup plus nuancé.

Ce qui me heurtait aussi, c’était la position israélienne de l’époque, simpliste et donc injuste, qui disait que tout était la faute des Palestiniens qui « étaient partis par eux-mêmes, parce que leurs chefs leur avaient demandé de partir » ; les choses ont été beaucoup plus nuancées, comme je l’ai écrit dans mon livre et il y a eu également des cas de réelles expulsions.

C’est par rapport à tout cela que je trouvais que je devais prendre une position qui me paraissait juste et que je devais défendre la cause des Palestiniens. J’étais à l’époque en liaison avec un mouvement israélien antisioniste, dissous par la suite, qui s’appelait « Matzpen », ce qui veut dire « la boussole », qui était d’extrême-gauche et qui défendait, en gros, les mêmes positions.

En fait, ce qui m’a fait évoluer, et ce n’était pas au moment-même mais après coup, en réfléchissant à la chose, c’est que  juste quelques jours avant la guerre de 1967, j’étais à Paris où j’ai apporté le salut du groupe Matzpen à une réunion de la Gups (General Union of Palestinian Students) pour leur dire qu’il y avait des Israéliens qui soutenaient leurs droits. En fait, ce qui m’avait consterné à l’époque, et je m’en suis rendu compte bien après, c’est que personne n’avait prêté la moindre attention à ce que je disais et surtout pas au fait qu’il y avait un groupe d’Israéliens qui existait, qui s’intéressait à eux et qui soutenait les droits des Palestiniens. La seule chose qui intéressait les gens présents dans la salle, c’était d’écouter leurs récepteurs de radio, pendant la conférence, pour entendre Choukeiry annoncer qu’on allait jeter les Juifs à la mer. J’ai donc sérieusement commencé à m’interroger. Comment se faisait-il qu’il n’y avait aucun intérêt pour une alliance avec les Juifs qui habitaient la même région ? Et c’est cela qui a amorcé chez moi une réflexion. Je me suis rendu compte que l’on peut avoir des revendications justes et, en même temps, être profondément injuste dans sa façon de vouloir les mettre en œuvre. C’est à ce moment-là, je crois, que j’ai commencé à évoluer, à être un peu plus nuancé.

Je voudrais peut-être ajouter que s’agissant du sionisme, en tant que ses objectifs de rassembler les Juifs sur la terre d’Israël, ce qui m’a fait basculer aussi et revoir mes positions, c’est la situation dramatique qui était celle des Falashas, donc les Juifs d’Ethiopie. C’est à l’occasion des opérations menées pour les sauver, que je me suis rendu compte qu’on ne pouvait pas dire que le sionisme avait fait son temps : il y avait une réelle nécessité de trouver un foyer, un refuge et un avenir pour ces populations juives persécutées et cela aussi m’a fait changer d’opinion.

S’agissant des réfugiés palestiniens, je voudrais faire deux autres remarques : la première, c’est qu’en réalité, en Palestine, le problème des réfugiés commence à se poser à partir de 1921 parce que c’est à ce moment-là qu’à Jaffa, on chasse deux à trois mille Juifs, qui sont allés se réfugier, sous tente, à Tel Aviv. Ce sont très exactement les premiers réfugiés palestiniens à ce moment-là et cela a eu une conséquence : c’est à partir de ce moment-là, qu’on constate qu’il y a de plus en plus une tendance juive et arabe à se concentrer dans des endroits ethniquement homogènes. Il y a donc une partition de fait qui commence déjà à se traduire dans la réalité par suite précisément de ces mouvements haineux vis-à-vis de la population juive en Palestine. Ceci s’est surtout accentué pendant la période autour de 1947. On oublie généralement que la guerre de 1948 a commencé en 1947, immédiatement après le vote de l’O.N.U. sur la partition. Il y a eu des attaques coordonnées, systématiques et incessantes contre toutes les agglomérations juives, contre toutes les voies de communication, avec le but évident d’extirper la population juive et qui ont eu comme conséquence 70.000 à 75.000 réfugiés juifs de Palestine. Ceci avant que l’on ne parle des réfugiés arabes. Cela paraît un petit nombre, mais c’est plus de 10% de la population juive de Palestine de l’époque. Bien sûr, comparé au fait qu’il y a eu quelque 70 % de la population palestinienne qui a été réduite à l’état de réfugiés, cela ne fait pas le poids dira-t-on. Mais enfin, c’est dans un enchaînement de causes à effets pour ce qui concerne les réfugiés palestiniens, sans vouloir entrer en détails dans la question, ce que je fais dans mon livre. Il y a eu plusieurs phases : une première phase, où ce sont des gens qui se réfugient à l’étranger ou ailleurs parce que la situation se dégrade, avec l’idée de revenir tout de suite après, en n’imaginant pas un seul instant q’ils ne retrouveraient pas leurs foyers. Il y a ensuite un mouvement de panique parce que tous les dirigeants arabes, toute l’élite communautaire, avaient fui et que la population se trouvait en quelque sorte décapitée et puis, il y a eu les effets de la guerre et bien entendu, il y a eu des expulsions, mais seulement à la fin du processus et en petit nombre. Ces expulsions ne faisaient d’ailleurs pas partie d’une politique délibérée, ou imaginée au préalable. C’est dû à certains facteurs, tels que le fait, par exemple, qu’à Ramleh, lorsque l’armée (la Haganah) a investi l’agglomération, il y a eu, à un moment donné, des tirs sur l’armée en provenance des fenêtres, ce qui a donné l’impression que toute la population était une espèce de cinquième colonne.

Mais il faut voir les choses dans leurs perspectives générales.

- M.L. : Vous vous êtes donc finalement décidé à écrire ce livre pour préciser les choses, pour raconter ce qui s’est réellement passé, dans le détail …

- N.W. :  En fait, si je me suis décidé à écrire ce livre, c’est parce que je me suis rendu compte qu’il régnait une ignorance proprement stupéfiante sur les éléments de base du conflit israélo-palestinien, de tous côtés d’ailleurs, autant parmi les sympathisants d’Israël que parmi ceux qui soutiennent la cause palestinienne. En général, on ignore le fait que le mouvement national palestinien existe depuis plus de 100 ans. On  peut fixer sa fondation en 1908 au moment où a été créé le journal « Palestine » et justement le fait de créer un journal qui porte le nom Palestine était l’indication, déjà, d’une prise de conscience et signifie en fait pas mal de choses. D’abord, qu’il est absolument absurde de soutenir que la reconnaissance de la création d’Israël est due au fait qu’il y avait une culpabilité par rapport à la Shoah. Cet élément a peut-être contribué, mais comme on le voit, le problème palestinien existait déjà au début du siècle passé. Cela signifie aussi, pour les mêmes raisons, que  ce n’est pas la déclaration de Balfour qui a fait naître le conflit israélo-palestinien, puisque précisément le mouvement palestinien existait déjà auparavant ; et il existait sous quelle forme ? Comme réaction contre une prise de conscience nationale du Yishouv, c’est-à-dire de la communauté juive existante dans la Palestine historique, autrement dit les Israéliens. Et là, je crois que nous souffrons tous, dans une certaine mesure d’un défaut de vision, d’une erreur d’optique, dus au fait qu’il y a un soutien très fort  dans la population juive, ou le mouvement sioniste, qui a induit une vision des choses quelque peu faussée. En réalité, la vision sioniste qui a dominé la question israélo-palestinienne a plusieurs composantes, dont l’une est plutôt anti-sépharade, parce que l’on méprisait assez fort le Yishouv dans la mesure où il avait une majorité sépharade, et une autre assez antireligieuse, le Yichouv étant principalement composé de traditionalistes.  Par opposition, on a valorisé le pionnier sioniste, qui représentait un idéal nouveau. En réalité, on doit bien se rendre compte que la nation israélienne est issue, avant tout, précisément du Yichouv tel qu’il était. Bien sûr, il y a eu le stimulant, qui est incontestable, de la Première Alyah et ensuite du sionisme, mais à la base, il s’agit avant tout de la population qui existait sur place ! Et celle-là, on a tendance à la déconsidérer de tous côtés. Du côté palestinien, bien entendu, puisqu’on voudrait faire croire qu’il n’y a eu de population juive que depuis ce qu’ils considèrent comme une invasion sioniste. Or que nous enseigne l’Histoire ? D’abord, qu’il y a toujours eu des Juifs en Palestine, même à l’époque des plus grandes persécutions et, en partie d’ailleurs, grâce aux musulmans, puisque c’est tout de même l’invasion musulmane qui a entraîné la chute de l’Empire byzantin sur le territoire du Proche-Orient et qui a permis aux juifs de revenir à Jérusalem. De même, c’est Saladin qui a de nouveau renforcé la position juive après les massacres des Croisades et, depuis lors, il y a eu périodiquement et systématiquement des vagues d’immigration juive du monde entier, aussi bien du Proche-Orient, que d’Afrique du Nord ou d’Europe, qui sont venues, chaque fois, renforcer le judaïsme local. Une des plus  importantes, a lieu en l’an 1700, où un groupe, mené surtout, semble-t-il, par des sympathisants du sabbataïsme, viennent, à 1500 personnes, s’installer à Jérusalem. C’est de là que date la première synagogue Khourva (qui signifie « la ruine », nom choisi parce qu’elle a été détruite).

Il y a donc une population juive en croissance constante sur le territoire historique d’Eretz Israël ou de Judéo-Palestine, comme on veut l’appeler. Et c’est tellement vrai que vers le milieu du  XIXe siècle, en 1850, il y a une majorité juive à Jérusalem,. Il y a plus de Juifs qu’il n’y a de musulmans et de chrétiens combinés. On voit donc que la présence juive en « Terre Sainte » n’a absolument rien d’artificiel et n’est en rien une invasion !

Si on voulait faire une comparaison historique, il faudrait plutôt mettre cette situation en parallèle avec le mouvement « Back to Africa », celui des esclaves noirs émancipés qui sont retournés en Afrique, par exemple au Liberia,  à Libreville (au Gabon) ou à Freetown (au Sierra L.). On remarque d’ailleurs que ces noms reprennent l’idée-même de liberté. Pensons à l’hymne du sionisme, qui est aussi devenu celui de l’Etat d’Israël, l’Hatikvah, dont le sens est précisément :  l’Iheyot Am Khofshi Be Artzenou , c’est-à-dire « D’être un peuple libre dans notre propre pays ». Il y a là une convergence tout à fait manifeste.

Donc l’idée de voir dans le sionisme une espèce de colonialisme est une idée fausse due à des simplifications d’ordre politique, mais qui ne correspondent pas aux réalités historiques.

Par contre, ce qui est exact, c’est que les Palestiniens arabes, eux, ont très vite pris le mouvement sioniste en grippe. Pourquoi ? Il y a eu, incontestablement des maladresses et des injustices, dans le processus de l’agriculture notamment. C’est incontestable. Mais la vraie raison est autre. La vraie raison est exposée vers 1911 par l’un des premiers dirigeants palestiniens, le vice gouverneur de Nazareth, lorsqu’il dit : « Ces juifs ont leurs propres organisations, leurs propres banques, leurs propres écoles. Ils ont leur propre drapeau. Ils s’arment. » Bref, ce qu’il est en train d’expliquer, c’est qu’il y a une minorité nationale qui s’organise - qui s’auto-organise - comme minorité. Ce langage pourrait être celui de n’importe quelle nation majoritaire qui rejette sa minorité, comme par exemple celui d’Autrichiens s’exprimant contre la minorité hongroise dans l’Autriche-Hongrie d’antan : c’est exactement la même attitude. Et ce qu’il faut souligner, c’est donc que le mouvement israélien naissant, proto-israélien si on veut, est déjà à cette époque un mouvement national. C’est cela qui n’a pas été supporté, de la même façon qu’au Proche-Orient, on n’a supporté aucun nationalisme dissident. Qu’il s’agisse des Arméniens qui ont été exterminés, des Grecs que l’on a expulsés ou des Kurdes aujourd’hui. Et les Juifs se trouvent effectivement dans la même situation, dans la mesure où ils ont des revendications nationales.

C’est surtout cela que j’ai voulu souligner dans mon livre. Il y a donc des erreurs d’optique, ce qui n’empêche pas qu’il y ait des éléments tout à fait valables dans l’argumentation des Palestiniens sur certains points. Il ne faut pas être sectaire mais je crois qu’il faut voir la question dans son cadre général.

Alors ce mouvement national palestinien, le fait qu’il ait existé, signifie aussi qu’il faut changer d’optique sur la question précisément des Arabes palestiniens. On a tendance à considérer les Arabes palestiniens comme les éternelle victimes de l’histoire. Mais je crois qu’il faut adresser aux Palestiniens la même observation que celle qui avait été formulée, en son temps, par l’historien du judaïsme Salo Baron, par rapport à l’histoire juive, disant qu’on ne peut pas se contenter d’une vision lacrymale de l’histoire juive, une vision fondée uniquement sur les lamentations, suite aux persécutions. Cela vaut également totalement pour la question palestinienne, sans vouloir nier ou minimiser les souffrances du peuple palestinien. Il faut voir aussi comment ces souffrances ont eu lieu. Depuis la naissance du mouvement national palestinien, il y a eu quelques dirigeants arabes palestiniens de qualité.  Certains, parmi les premiers d’entre eux, étaient de hauts personnages dans l’Empire Ottoman, qui avaient été parfois gouverneurs dans des régions éloignées, justement en raison de leurs compétences, de leur qualifications et de leur formations. Souvent, il s’agissait d’universitaires.

Or, que constate-t-on ? C’est qu’en 1914, par exemple, les futurs dirigeants du mouvement palestinien, sont d’une part, le futur mufti de Jérusalem et d’autre part, le futur sheik Kassem, celui que glorifie le Hamas (dans ses attaques au nom des unités Kassem). Tous les deux se portent volontaires sous le drapeau ottoman, ce qui implique qu’ils se rallient à l’oppression turque. Ne leur jetons cependant pas trop la pierre, puisque Ben Gourion a fait la même chose. Il souhaitait aussi créer une armée juive pour soutenir les Ottomans, en se disant : « Si on rend service aux Ottomans, ils vont favoriser nos propres projets ». Mais donc les Palestiniens ne peuvent pas dire qu’ils se sont trouvés sous le régime ottoman par les vicissitudes de l’histoire. Ils l’ont aussi cherché et approuvé. De la même façon, trois ans plus tard, le mufti de Jérusalem se fait le sergent recruteur des Britanniques, qui vont venir jouer un rôle important au Proche-Orient. Il prétend avoir, à lui seul, fait engager environ 2.000 soldats palestiniens,  arabes palestiniens, sous le drapeau des Hachémites de l’époque. Il a peut-être exagéré les chiffres, mais la réalité de son intervention et le fait qu’il travaillait pour les services secrets britanniques sont tout à fait établis. Mais il est vrai que Ben Gourion, Jabotinski et Trumpeldor, eux aussi, créent des légions pour soutenir les Britanniques.

Mais ce que j’en déduis, c’est que les Palestiniens ne peuvent pas soutenir que la présence  britannique leur a été imposée, que c’est un malheur qui s’est abattu sur eux, de façon aveugle. Non. Ils l’ont cherché, et ils ont eu les Britanniques. Et en 1919, lorsque le dirigeant du mouvement national arabe, qui est à ce moment-là, Fayçal, signe un accord avec Weizman par lequel il accepte et approuve le projet sioniste en Eretz Israël, et bien, à ce moment-là, pendant plusieurs mois, on n’entend pas un seul dirigeant arabe palestinien protester ou élever la voix. Et « qui ne dit mot, consent ». Donc là aussi, les Palestiniens ont fait, eux-mêmes, leur histoire.

Et on pourrait ainsi continuer. Dans les années ‘20, on arrive aux fameux pogroms, manière choisie pour s’opposer au projet sioniste, et qui étaient d’autant plus absurdes - et je laisse même de côté toute considération morale - que ces pogroms visaient en fait la population la plus religieuse d’Eretz Israël, celle-là-même qui avait, à l’époque, le moins de sympathie pour le sionisme. Il y avait même une fraction du mouvement ultra-religieux juif qui était, en fait, prête à s’allier avec les Arabes contre le mouvement sioniste ! Au lieu de cela, on les a massacrés et, par la force des choses, rejetés dans le camp sioniste. Donc là encore, il y a une responsabilité palestinienne énorme.

Et enfin, si l’on prend les années ‘30 : en ce qui concerne le grand soulèvement qui a suivi la grève de 1936, il faut bien dire qu’à ce moment-là, c’est le mufti de Jérusalem qui a tout fait pour casser le mouvement ; il est même allé jusqu’à dénoncer les organisateurs de la grève aux Britanniques !

De la même façon, qu’il a, par la suite, empêché tous ceux qui étaient à son service comme salariés des instances religieuses, dont il était le responsable, de faire grève. Il y a donc duplicité de sa part. Tout cela, avant même qu’il ne se jette carrément dans le camp nazi. Cela aussi, c’est une responsabilité palestinienne. Et ce que l’on va voir en 1947-1948, c’est que les Palestiniens suivent une politique qui est tout à fait démente. Ils refusent de se présenter devant les Nations Unies, même pour défendre leur propre cause, et refusent non seulement le partage d’Israël en un Etat juif et un Etat arabe, ce que l’on peut encore comprendre de leur point de vue, mais ils refusent également un Etat binational, ce qu’une partie de l’ONU soutenait comme projet, projet qui, à l’époque trouvait des appuis au sein du Yichouv également. Ils refusent même, ce qui est encore plus invraisemblable, la position de la Ligue Arabe, qui voulait un Etat arabe en Palestine, mais avec le droit pour les juifs d’utiliser l’hébreu et d’exercer leur religion.

Pour le mufti, il fallait tout simplement jeter les juifs à la mer. Et les nationalistes palestiniens arabes se sont tous ralliés au mufti. Quasiment personne n’a osé élever la voix contre lui et ceux qui l’ont fait  ont été proprement liquidés par ses hommes de main.

Il y a donc là aussi une responsabilité qui se concrétise et s’illustre par le fait qu’en 1947, rien n’est fait du côté palestinien pour préparer l’Etat qu’ils disaient, par ailleurs, appeler de leurs vœux.  Il n’y a aucune formation d’un ministère, d’un gouvernement provisoire, d’une autorité provisoire, d’un parlement palestinien, bref, de quoi que ce soit. Ce n’est qu’au moment où leurs tentatives de déloger les juifs de Palestine ont échoué, puisque c’était cela le but des manœuvres, des agressions continuelles contre toute implantation juive et contre les voies de communication, que, finalement, n’étant plus sur place, mais étant replié sur Gaza, que l’on a, enfin, mais beaucoup trop tard, pensé à créer une unité palestinienne, à se choisir un drapeau et à se doter de quelque chose qui ressemblait à une constitution ou un parlement.

Donc, il y a eu constamment une politique que l’on pourrait qualifier de suicidaire, du côté palestinien. C’est une des réalités de la chose. Cela n’empêche pas qu’il y a eu, certainement, beaucoup d’erreurs, également de conception, des erreurs politiques, du côté juif. Je ne suis pas de ceux qui disent  que tout ce qu’a toujours fait la communauté juive en Palestine et tout ce qu’on fait les Israéliens était parfait. Il y a certainement eu beaucoup de faits regrettables.

Mais, par rapport à toute la situation, on doit voir les choses dans leur ensemble et essayer de rester fidèle aux réalités historiques.

- M.L. : Nathan Weinstock, merci beaucoup.